Dans la Tour Elithis, les locataires ont l’impression d’être des « pionniers »
La tour Elithis, inaugurée en grande pompe le 15 juin, est la première tour d’habitations de Strasbourg à produire plus d’énergie qu’elle n’en produit, grâce en partie à 1 500 mètres carrés de panneaux solaires. Les Défricheurs ont rencontré deux de ses habitants : retour sur leurs premières impressions dans une tour où les comportements écoresponsables sont fortement encouragés.
« Je suis un maire heureux ! », s’est exclamé le maire de Strasbourg Roland Ries. Robert Herrmann, président de l’Eurométropole, et Thierry Bièvre, Président du groupe Elithis, ne tarissaient pas non plus d’éloges, vendredi 15 juin, sur la nouvelle tour d’habitations Elithis, dont la construction venait d’être finalisée.
La tour, qui accueillera également des bureaux dans ses deux premiers étages, est en effet la première tour de logements à énergie positive de Strasbourg : en clair, elle produira plus d’énergie que ses habitants n’en consommeront.

Cette surproduction, ensuite revendue à EDF, est rendue possible par ses 1 500 mètres carrés de panneaux solaires situés sur le toit et les murs extérieurs de l’immeuble (surtout sur ses façades sud, est et ouest). La tour produira l’équivalent de 90,3 kWh par mètre carré et par an.
L’architecture même de la tour a été pensée pour diminuer l’impact des températures fraîches sur la consommation d’énergie des habitants : la façade nord, plus étroite que la façade sud, et coupée en deux, n’offre qu’une prise limitée aux vents froids.
La tour, dont les plans ont été élaborés par le cabinet d’architecture XTU Architects, est située à l’entrée de l’écoquartier Danube, projet ambitieux d’urbanisme (qui doit compter près de 700 logements d’ici à 2021), situé entre le quartier de l’Esplanade et le Neudorf, au sud-est de Strasbourg.
C’est cette ambition globale d’un quartier « écoresponsable », promouvant par exemple les « transports doux », qui a intéressé Cédric Pelletier et sa compagne, qui ont emménagé dans leur appartement de 77 mètres carrés mi-mars 2018 :
Comme je travaille juste à côté, je voyais un peu l’évolution des travaux dans le nouvel écoquartier, et ça m’intéressait beaucoup, notamment le fait qu’il s’agissait d’un quartier piéton, donc sans les bruits incessants de voiture. L’idée c’est aussi d’inciter les habitants à adopter des comportements écoresponsables, et nous sommes très sensibles à cela.

Autre argument, et non des moindres, pour emménager dans la tour : la promesse du constructeur de faire baisser la facture d’énergie à un niveau très faible, voire négatif. Grâce à ses panneaux solaires, le bâtiment produit de quoi couvrir les besoins en électricité de ses habitants. Selon Cédric, si les comportements individuels des occupants de la tour sont suffisamment vertueux, ces derniers pourront être rétribués en Stück, la monnaie locale lancée à Strasbourg en 2015 et qui permet de valoriser les commerces locaux :
Christiane, ancienne psychologue aujourd’hui à la retraite, avoue être un peu dépassée par les promesses technologiques de la tour Elithis. C’est surtout l’aspect extérieur du bâtiment et la vue proposée qui ont motivé son choix d’aménager dans son deux-pièces de 46 mètres carrés :
Les habitants des étages les plus hauts peuvent en effet voir depuis leur fenêtre les rives du Rhin et la Forêt noire à l’Est, les Vosges à l’ouest… et la cathédrale de Strasbourg au nord-ouest.

Un « cœur social » au sommet de la tour, pour promouvoir la vie sociale entre locataires
Au 16e et dernier étage de la tour, une grande terrasse, peinte d’or et agrémentée d’un barbecue et d’un écran de projection à disposition des habitants, doit faciliter la vie sociale entre les habitants de la Tour, espère son constructeur.

Pour l’instant, Christiane et Cédric reconnaissent que la vie sociale de l’immeuble est plutôt calme… Pour Cédric, la convivialité se tissera d’elle-même une fois les cartons défaits :
Certains habitants n’ont pas encore emménagé ou viennent de le faire, ils ont plus la tête dans les cartons que sur la terrasse du 16e étage. Cela pourrait être sympa de créer une association pour les habitants de la Tour, pour que l’on puisse organiser des soirées ensemble et faire connaissance.
Des loyers pas plus chers qu’ailleurs
L’entretien de ce « cœur social » est assuré par les charges locatives des habitants. Côté loyer, Cédric et Christiane sont relativement satisfaits : en dépit de l’aspect novateur d’un tel bâtiment, ils ne paient pas plus cher qu’ailleurs.
Pour leur appartement de 77 mètres carrés, Cédric et sa compagne paient 1 000 euros :
Côté facture d’électricité, il espère faire de sensibles économies par rapport à son ancien appartement, « véritable passoire énergétique » :
Christiane, de son côté, paie 700 euros pour 46 mètres carrés, à peu de choses près la même chose que dans son ancien appartement de la Krutenau.
Un assistant sur tablette et ordinateur pour optimiser sa consommation d’énergie
Et pour les aider à réduire encore leur facture d’énergie, le constructeur de la tour Elithis a installé dans chaque appartement une tablette numérique, disposant d’un assistant virtuel nommé ALAD’HUN développé par la société Vesta Energy. Ce « coach » peut indiquer aux habitants les points sur lesquels s’améliorer en terme de consommation d’énergie, explique Cédric :
Il reconnaît cependant l’avoir très peu utilisé : il préfère utiliser sur son ordinateur personnel la plateforme développée par la même société. La plateforme lui permet de consulter sa consommation passée et présente en chauffage et électricité, et de gérer à distance les lumières de l’appartement ou l’inclinaison des lamelles des stores.

A l’entrée de l’appartement, un petit interrupteur permet aux habitants d’indiquer qu’ils quittent l’appartement, explique Cédric :
Cela permet de couper automatiquement toutes les lumières de l’appartement et de baisser le chauffage. C’est un peu gadget, je le reconnais, mais c’est bien pratique tout de même !
Le jeune trentenaire, qui travaille sur la pesqu’île Malraux, à deux pas de la tour Elithis, apprécie ces « petits plus », certes pas indispensables mais bien pratiques pour gérer au quotidien sa consommation d’énergie :
Le gros plus de cette tour, c’est que le constructeur nous donne les outils pour maîtriser notre consommation. Ce bâtiment, c’est un peu comme un laboratoire qui permet au constructeur d’étudier nos comportements et de savoir comment et où faire des économies d’énergie.
La société Elithis, qui avait déjà inauguré à Dijon en 2009 son premier bâtiment à énergie positive (il s’agissait de 5 000 mètres carrés de bureaux), pourrait utiliser les informations recueillies auprès des habitants de la tour de Strasbourg pour ses prochains projets. La tour Elithis pourrait ainsi être « la première d’une longue suite », espère Thierry Bièvre, directeur de la société du même nom.
Elise Baumann